Bosse feignasse !

On serait très choqué que Vanessa Burgraff soit encore présente dans le « On n’est pas couché » de samedi prochain. Soit cette dame qui se présente comme journaliste a encore un soupçon d’amour propre et elle devrait déjà avoir démissionné de son rôle de chroniqueuse dans l’émission hebdomadaire tardive de France 2. Soit Laurent Ruquier, taulier de ce programme, a encore un zeste d’autorité et de sens des responsabilités éditoriales et il aurait déjà dû la remercier.

Pour ceux qui auraient passé la fin du week-end dernier dans une caverne à l’abri de toute onde hertzienne ou de toute connexion numérique, la chroniqueuse de l’émission a interpellé Najat Vallaud-Belkacem lui reprochant notamment sa « réforme de l’orthographe ». Or, la ministre de l’Education sortante n’a jamais, au grand jamais mené une telle réforme. L’échange entre les deux femmes est assez éclairant :

« Vanessa Burgraff : J’ai vu la réforme de l’orthographe. Ça m’a atterrée.
– Najat Vallaud-Belkacem : Non, mais alors là, franchement. Excusez-moi Vanessa mais… Vanessa, Vanessa, je n’ai jamais mené de réforme de l’orthographe, c’est une fake news. Mais c’est pas possible, vous vous rendez compte.
– Vanessa Burgraff : Dans l’école de ma fille, je suis désolée de vous dire…
– Najat Vallaud-Belkacem : Mais vous relayez… Mais c’est pas possible…
– Vanessa Burgraff : Dans la classe de ma fille, on enlève les petits tirets. Le mot ‘oignon’… […] Le mot ‘oignon’ s’écrit o-i-g-n-o-n. On l’écrit o-g-n-o-n. […] Donc, vous n’avez pas fait la réforme de l’orthographe ? Tout ça, c’était un mensonge ?
– Najat Vallaud-Belkacem : Mais évidemment, tout comme je n’ai pas imposé l’apprentissage obligatoire de l’arabe au CP. Vous y avez aussi cru peut-être, non ?».

L’essentiel des dérives du moment se situe dans ce dialogue. Sensée incarner une certaine rigueur journalistique et interroger l’ex-ministre sans concession s’abritant derrière l’irréfutabilité des faits, la chroniqueuse colporte une rumeur démentie depuis longtemps. Facteur aggravant, au lieu de travailler le sujet sur le fond, elle excipe de sa propre expérience de mère, mettant en avant sa subjectivité protectrice et son indignation irréfléchie. Madame Michu à la machine à café. Sauf que l’on est sur une chaîne publique devant quelques millions de téléspectateurs.

Face à elle, Najat Vallaud-Belkacem a du mal à cacher son émotion. Elle en a bavé de ces « fake news » et/ou de ces tribunes révoltées de clercs qui n’ont même pas pris le temps de lire les projets de réforme avant de les étriller. Il fallait voir d’ailleurs comment elle a cloué le bec à Sylvain Tesson présent également sur le plateau, coupable d’avoir comparé le supposé abandon du grec et du latin au collège avec les atrocités commises par Daech (!). Et c’est l’ex-ministre – que l’on avait rarement vue si pugnace et aussi peu langue de bois – qui, aussi bien sur les langues anciennes, que sur l’orthographe, les classes « bilangues » ou les « EPI » prend le temps de décrire la réalité nuancée et complexe de la réforme.

C’est à l’actrice de l’actualité qui, elle seule sur le plateau, connaît bien ses dossiers, de faire la pédagogie du sujet. Le monde à l’envers. Et c’est bien le problème, dans un contexte où n’importe qui peut dire n’importe quoi sur les réseaux sociaux, a fortiori dans un cercle privés « d’amis » virtuels, on serait en droit d’attendre des professionnels de l’information et des intellectuels qu’ils montrent la voie du travail de fond et de la rigueur. Et c’est tout le contraire qui se produit. Ce sont eux – en tout cas certains d’entre eux – qui sont tirés vers le bas et profitent de leurs tribunes et de leurs accès aux plateaux pour proférer des élucubrations complotistes et des âneries à l’emporte-pièce comme n’importe quel « no-life » décérébré et acculturé. On serait tenté de leur donner le seul conseil qu’ils méritent : bossez avant de parler bande de feignasses !

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