Angela, Blanche et les guerres commerciales

Allez, reprenons cette mauvaise habitude de déblatérer sur plusieurs faits d’actualité sans liens apparents entre eux.

Le paradoxe démocratique allemand

Et commençons d’abord par l’Allemagne. Après un mois de faux suspense, les adhérents du Parti social-démocrate allemand ont accepté dimanche dernier à plus de 66% l’accord de coalition avec leurs rivaux conservateurs de la CDU/CSU. La « Grande Coalition » et sa chancelière Angela Merkel vont donc se succéder à eux-mêmes puisque cet attelage a déjà gouverné le pays de 2013 à 2017 (et de 2005 à 2009). Compte tenu de la bonne santé de l’économie et même de la société allemande, on ne peut que se féliciter de cette issue. Et en tant qu’Européen convaincu, on ne peut aussi que se féliciter de la remise en selle d’un couple franco-allemand renouvelé qui bénéficie d’une légitimité nécessaire afin de piloter l’Union à travers les écueils du Brexit et de la renaissance des populismes et des nationalismes y compris parmi les états fondateurs comme l’Italie.

Certes, mais on peut aussi essayer de prendre du recul. Car, si tout va bien, Angela Merkel devrait être officiellement désignée chancelière le 14 mars prochain, soit près de 6 mois après les élections ! Un délai interminable et totalement inusité. Digne d’un « pays du Club Med » comme disaient avec mépris certains dirigeants allemands du temps de la mise en place de l’euro en parlant des Etats européens du pourtour méditerranéen. Digne d’un temps qu’en France les moins de 70 ans ne peuvent pas connaître. Plus grave encore, on peut s’interroger sur le caractère authentiquement démocratique du système allemand (et d’une grande partie des pays européens). Rappelons en effet que la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple. Or, quelle est la valeur d’un bulletin de vote quand un gouvernement de coalition entre un parti (le SPD) qui a connu son plus faible score historique et un autre (la CDU/CSU) qui a perdu 10,5 points par rapport à l’élection de 2013 se met en place 6 mois après l’avoir déposé dans l’urne ? De quoi faire réfléchir tous les partisans de la proportionnelle appelant de leurs vœux une « VIème République » en France. Il ne faut pas confondre représentativité et démocratie.

Blanche et les bas du front

Comme toujours hélas, la soirée des César -malgré les efforts louables de Manu Payet- a été plutôt sinistre, dégoulinante de bons sentiments et de consensus mou. Au passage, on n’a pas eu le courage d’aller voir « 120 battements » parce qu’on n’a jamais bien compris pourquoi Act Up nous agressait en permanence dans les années 80/90 alors que notre responsabilité personnelle dans l’émergence du sida et des drames qu’il a causés n’était manifestement pas engagée.

Heureusement, Blanche Gardin a sauvé l’honneur de la Profession, en réalisant un court sketch juste avant de remettre une récompense : « Alors, c’est entendu, les producteurs n’ont plus le droit de violer les actrices (…) mais, est-ce que les actrices ont encore le droit de coucher pour avoir des rôles ? ». Une séquence à mourir de rire qu’il faut voir dans son intégralité. Mais on sent bien que dans le public, certaines n’ont pas trouvé ça drôle du tout, tant dans leur manichéisme sur ce sujet, le second degré et l’humour grinçant n’ont plus place.

Et justement en fin de semaine, cette fraction dogmatique du féminisme militant a encore montré toute l’étendue de son intolérance. Une pétition a obligé les éditions Milan – dont la réputation de rigueur est installée depuis longtemps dans l’univers du livre jeunesse – à ne pas procéder au retirage d’un livre d’éducation plus ou moins sexuelle destiné aux préadolescentes baptisé « On a chopé la Puberté ». Il y est question de conseils pour cacher ses bouts de sein naissant qui pointent ou de se féliciter de pouvoir faire du shopping dans les magasins de « grandes » avec ses nouvelles formes arrondies. Rien de bien méchant, mais chez ces gens-là (communiqué d’Osez le Féminisme), ça devient : « Choquant ! Discours sexiste et dégradant pour ces enfants, réduites à n’être qu’un corps sexualisé à la disposition du désir masculin. Quelle estime d’elles-mêmes peuvent-elles construire en lisant ces inepties misogynes ? »

Déjà, le fait de vouloir faire interdire un livre en dit long sur la tournure d’esprit inquiétante de ces militantes et, à ce compte-là, il faudrait interdire l’intégralité de la presse féminine réalisée pourtant depuis des décennies par des femmes pour des femmes !

Les guerres commerciales ne profitent jamais à ceux qui les déclenchent

Ça y est Donald Trump qui a attendu plus d’un an avant de céder au penchant protectionniste d’une grande partie de son électorat a décidé de mettre en place d’importants droits de douane sur l’aluminium et la sidérurgie, secteurs en perte de vitesse dans son pays. Dans le même temps -même si ça semble n’avoir rien à voir- le Groupe TF1 a décidé de faire payer une redevance aux opérateurs qui transportent ses chaînes. SFR s’y est plié, mais Orange et Canal s’y sont refusés. On peut deviner d’avance que les mesures de rétorsion adoptées inévitablement par les Chinois et les Européens vont s’en prendre aux secteurs économiques américains florissants à commencer par l’IT qui vont s’en trouver affaiblis sans que sa « vieille » économie ne s’en trouve pour autant renforcée. Quant à TF1, l’exclusion de ses chaînes sur les bouquets du groupe Canal +, en attendant celle de Free, a eu pour effet de faire baisser de près d’1 million de téléspectateurs l’audience de « The Voice », avec la sanction immédiate en termes de recettes publicitaires que l’on devine. Les guerres commerciales n’ont jamais de vainqueurs et certainement pas ceux qui les ont déclenchées.

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